À vous qui nous avez donné le goût de nous instruire et de nous former pour être au service de notre pays ou de l’honorer à l’extérieur, nous rendons hommage et saluons votre engagement dans cette noble vocation qu’est l’enseignement.

À vous qui nous avez donné le goût de nous instruire et de nous former pour être au service de notre pays ou de l’honorer à l’extérieur, nous rendons hommage et saluons votre engagement dans cette noble vocation qu’est l’enseignement.  Au-delà de votre dévouement, vous aviez eu à cœur le succès de ces jeunes, tous avides de connaissances et nourrissant l’espoir d’un avenir meilleur. Nos parents, d’ailleurs, ne cessaient de nous exhorter à la réussite en nous rappelant que « Konesans se richès ». 

Vous étiez, pour la majorité, très jeunes au moment d’embrasser cette carrière. Vous l’aviez pourtant fait avec aplomb et une grande fougue, sans aucune formation adéquate ni aucune expérience dans l'enseignement pour la plupart. Vous aviez pour seul bagage les connaissances reçues vous-mêmes de vos profs. Nous ne vous tenons pas rigueur. Loin de là ! Le ministère de l'éducation nationale n'exigeait de toute façon aucune qualification légale pour enseigner. Seuls quelques-uns parmi vous détenaient un diplôme en droit, en génie, en agronomie, en sciences, en médecine, en enseignement et j'en passe. Pour les autres, les directeurs d'école vous recrutaient dès la fin de vos études secondaires. Ainsi, faute de mieux, vous avez suivi la voie ouverte devant vous. Ce qui fut le cas de nombreux jeunes qui ont épousé cette carrière, non par choix mais par nécessité.  Laissez-moi vous dire que tout cela ne transpirait nullement dans votre enseignement. Contre un salaire qui ne l’était que de nom et avec de faibles ressources pédagogiques, vous nous aviez transmis des connaissances, certes adéquates, mais malheureusement le programme éducatif d’alors n’était pas conçu de manière à ce que nous puissions nous en servir dans la vie de tous les jours. En d’autres termes, vous ne nous avez pas amenés à développer les compétences nécessaires à notre intégration dans la société et sur le marché du travail.

Rassurez-vous ! Vous nous aviez enseigné au mieux de vos capacités. Nous ne le contredirons pas. Si plusieurs d’entre vous avaient une certaine compétence tout à fait naturelle en gestion de classe, d’autres, par contre, peinaient à se faire obéir. À ces derniers, nous nous devons de présenter des excuses pour avoir été, volontairement ou involontairement, indisciplinés, bavards et parfois rebelles. Chapeau pour votre savoir-faire! Vous aviez quand même réussi à passer votre matière à des classes dont l’effectif dépassait quarante élèves.  Avouons-le aujourd’hui : seuls les plus doués arrivaient à comprendre ce que, pour la plupart, vous vous époumoniez à nous réciter, oui je dis bien réciter et non expliquer. Là encore, nous ne pouvons vous en vouloir.  Le modèle pédagogique d’alors, à de rares exceptions près, vous dictait de recourir à des cours magistraux. Alors, il fallait performer devant vos élèves qui n’osaient remettre en question les connaissances transmises.  

 Que dire des cours de physique et de chimie livrés dans une classe sans laboratoire ? Désolés, chers profs, vous aviez fait de votre mieux, mais plusieurs condisciples conviendraient avec nous que certaines matières comme la physique ou la chimie seraient mieux comprises si  évidemment nous avions eu la possibilité de procéder à des expériences pouvant supporter les formules que vous vous efforciez à nous “rentrer dans le crâne.” Vous ignoriez à ce moment-là qu’il fallait tenir compte des styles d’apprentissage de vos élèves. Tombent également dans la même catégorie nos cours d’anglais et d’espagnol, enseignés selon la méthode grammaire-traduction, qui ne nous ont guère préparés à la conversation et à l’écriture dans ces deux langues, pourtant apprises pendant 7 ans. Nous disons bien 7 ans. 
 
Vous versiez dans l’art oratoire, chers profs Cayens, particulièrement vous qui aviez la lourde tâche de nous enseigner les littératures haïtienne et française, la stylistique, la grammaire... Vos envolées lyriques et vos belles citations nous impressionnaient et nous incitaient à y recourir nous autres aussi dans nos échanges épistolaires. Nous sommes passés maîtres dans l’art de disserter et de citer les grands auteurs haïtiens et français. Qui ne souvient pas de ces phrases célèbres : Pour mériter l’estime, il n’est pas indispensable d’avoir fait de grandes choses, il suffit de les avoir tentées (Edgar La Selve) ou encore Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. (Corneille dans le Cid). 

40 ans plus tard… nos profs sont-ils mieux formés, sont-ils plus sensibilisés et sensibles au fait que les élèves n’apprennent pas tous de la même manière ? Les élèves sont-ils mieux outillés pour faire face aux défis majeurs que pose la globalisation ? Notre système éducatif prépare-t-il mieux les jeunes à l’ouverture sur le monde ?

Donnons-nous rendez-vous dans les prochaines publications de Xaragua Mag pour analyser ensemble ces différentes questions !