Ayiti a connu de rares périodes de stabilité dans son histoire, du débarquement de Christophe Colomb en 1492 à nos jours. Après avoir vécu dans la tourmente pendant trois cents longues années, les Taïnos puis les Noirs d’Afrique, amenés à la rescousse pour garantir la continuité de la production au profit des colons, se sont révoltés. Les quelques chefs indigènes qui n’ont pas été enchaînés mentalement ont construit le premier leadership, le Cacique Henri (du nom rapporté dans les réci

Bref survol historique

Ayiti a connu de rares périodes de stabilité dans son histoire, du débarquement de Christophe Colomb en 1492 à nos jours. Après avoir vécu dans la tourmente pendant trois cents longues années, les Taïnos puis les Noirs d’Afrique, amenés à la rescousse pour garantir la continuité de la production au profit des colons, se sont révoltés. Les quelques chefs indigènes qui n’ont pas été enchaînés mentalement ont construit le premier leadership, le Cacique Henri (du nom rapporté dans les récits) en tête, pour déboucher sur le premier maillon de la résistance mieux connu comme le Marronnage.

Entre 1791 et 1803, le pays a connu les transes d’une guerre sans merci pour dire non à la méchanceté, non à la cruauté des occupants esclavagistes.

Au regard du reste de l’histoire post coloniale, mieux connue, et à l’analyse des faits qui ont marqué l’existence de la nation entre 1804 et aujourd’hui, on se demande si la guerre de l’Indépendance a réellement apporté l’Indépendance.

Si les premiers pas, même boiteux, renforcés par le réseau de fortifications mis en place par l’Empereur Jacques 1er (Jean-Jacques Dessalines) pour garantir les acquis de la guerre ont pu nourrir l’espoir d’un avenir meilleur pour les filles et fils de la nation naissante, le vortex du 17 octobre 1806 qui a plongé le pays dans la tristesse et la souffrance ne s’est pas refermé jusqu’ici.

Au-delà d’Alexandre Pétion qu’on accuse, à tort ou à raison, d’avoir concocté l’assassinat de l’Empereur, au-delà des autres instigateurs et des hommes de main engagés pour commettre l’acte, ne faudrait-il pas remonter aux anciens maîtres, colons dans l’âme et corrupteurs par excellence pour déterminer les responsables, tous les responsables.

Pour le Pays, pour les Ancêtres, MARCHONS UNIS

A ce tournant de notre vie de peuple, je constate humblement que le déficit majeur de notre nation est soutenu par notre division, par notre incapacité à nous unir et par la méfiance qui s’est installée entre nous et ce, à tous les échelons de la société.

Anténor Firmin qui a vécu entre 1850 et 1911, a eu à dire et je cite : « Dans tous les pays, dans toutes les races, le progrès ne s’effectue, ne se réalise, ne devient tangible que lorsque les couches sociales inférieures, qui forment toujours la majorité, tendent à monter en intelligence, en puissance, en dignité et en bien-être. Là où la politique, dite éclairée, ne consisterait qu’à perpétuer l’infériorité de ces couches, formant l’assise même de la nation, en exploitant leur ignorance, il n’y a point de progrès possible. »

Un vibrant appel à l’inclusion et à l’équité sociale pour favoriser le progrès et l’épanouissement de tous.

A l’opposé des définitions qui limitent la politique à l’affaire des postes dans l’administration publique, je crois que la politique doit être l’affaire de toutes les composantes de la société afin de dégager une vision uniforme du devenir de la nation en accord avec les perspectives de développement qui tiennent compte des ressources locales et des rapports avec les autres nations de la région et du continent.

Pour mieux illustrer, je reproduis un extrait d’un éditorial paru dans Xaragua Magazine : Le chaos… peut être l’occasion de proposer, d’organiser et d’ordonner.

Lorsqu’un groupe d’individus se reconnaît des affinités dans une mouvance culturelle, ethnique et spirituelle, il devient une Nation. Lorsqu’il se dote d’un ensemble de règles pour régir le vivre-ensemble des nationaux et leur rapport avec les autres nations, il devient un État. Lorsque l’État a défini ses limites territoriales, il devient un pays.

La nation haïtienne a subi une déconstruction de ses mœurs, situation à laquelle elle doit y remédier pour ne pas perdre son statut de nation.

L’industrie de la désunion mise en place pour maintenir la déstabilisation de notre peuple a été pressentie par Firmin je dirais, parce que de retour d’Ayiti en 1934, Franklin Delano Roosevelt a prononcé une phrase célèbre qui n’a jamais cessé de se manifester dans notre quotidien politique et de peuple en général et je cite : "Il faut constamment soulever les va-nu-pieds contre les gens à chaussures et mettre les gens à chaussures en état de s'entre-déchirer les uns les autres, c'est la seule façon pour nous d'avoir une prédominance continue sur ce pays de nègres qui a conquis son indépendance par les armes. Ce qui est un mauvais exemple pour les 28 millions de noirs d'Amérique."

Permettez que je fasse un accroc au fil de ma réflexion pour préciser que je ne nous absous pas de nos responsabilités et de nos failles dans les interlocutions et interactions avec les étrangers. Il y a eu des hommes de valeur à garder l’échine à la verticale, certains en sont morts pour avoir osé.

La seule porte de sortie est dans le renversement du mouvement de cette machine infernale de la désunion et de la méfiance qui nous empêche d’avoir un projet commun; qui nous empêche de former un bloc monolithique inviolable à l’assaut des vendeurs de brouille de tout poil, d’ici et d’ailleurs, pour s’assurer d’un état faible, incapable de réitérer, sur le plan de l’épanouissement social et économique, la geste de 1804.

Le carrefour de l’incontournable, c’est aujourd’hui et maintenant qu’il faut y faire face. Il est soit incontournable et nous nous mettons à l’œuvre pour changer les paradigmes de « l’insensé » dans lesquels nous pataugeons, soit incontournable et nous abdiquons pour laisser l’héritage de nos ancêtres à d’autres peuples qui le convoitise.

Ayiti est équipée en ressources de toutes sortes pour changer le sens de la courbe, il nous faut l’unité et la volonté de rester unis. Restons-en aux ressources humaines pour cette réflexion. L’Ayiti d’aujourd’hui est multi ethnique, un peu plus qu’entre 1791 et 1804, et pourtant...

Entre les rares souches Taïnos dans la Grande Anse et le Sud-Est et les diverses souches Africaines associées aux souches Européennes et Moyennes orientales ; entre Vodouisants, Chrétiens, Musulmans, etc., il y a toute une palette culturelle 

(spirituelle-intellectuelle-sociale-économique-financière) dont les couleurs doivent être agencées harmonieusement pour en dégager une synthèse cohérente, fonctionnelle et productive.

La diversité d’aujourd’hui peut être un avantage si nous mettons l’accent sur la pratique de la tolérance entre nous, si nous nous mettons à regarder nos qualités plutôt que nos défauts, si nous nous organisons pour mettre nos atouts en valeur plutôt que de mettre nos différences en avant pour justifier notre refus de travailler ensemble.

Le carrefour de l’incontournable, c’est aujourd’hui et maintenant qu’il faut y faire face. Il faudra accepter de casser les œufs, il faudra réunir les ingrédients pendant que le comptoir se nettoie et faire cuire l’omelette en sachant que chacun aura droit dignement à sa part, sans discrimination, sans stigmatisation et en toute équité.

C’est à ce carrefour que se joue l’avenir d’Ayiti. C’est là que nous attend le jugement de l’histoire et la mémoire des mères et pères fondateurs. A nous d’en être digne et fier.

 

A propos de

Rudolf Dérose

Rudolf Dérose est né à Port-au-Prince, sa situation familiale, très jeune, le conduit en province où il fait connaissance avec le mode de vie en région, il apprend à apprécier ses charmes et ses richesses.

De retour à Port-au-Prince à l’âge de 12 a…

Biographie