Chers parents éplorés,

Monseigneur,

Chers amis,

Me voici ce matin, investi de la pénible mission de dire, au nom de mes frères d’armes des Forces Armées d’Haïti, du service actif et de la Réserve et aussi en celui de mes camarades ma promotion à l’Académie Militaire d’Haïti, notre adieu déchirant au major-général Gérard Lacrête que Dieu vient de rappeler auprès de Lui et dont le soudain départ nous a totalement pris au dépourvu. Mission pénible, dis-je, compte tenu des liens étroits qui m’attachaient personnellement à ce valeureux officier.

 

Chers parents éplorés, 

Monseigneur, 

Chers amis, 

Me voici ce matin, investi de la pénible mission de dire, au nom de mes frères d’armes des Forces Armées d’Haïti, du service actif et de la Réserve et aussi en celui de mes camarades ma promotion à l’Académie Militaire d’Haïti, notre adieu déchirant au major-général Gérard Lacrête que Dieu vient de rappeler auprès de Lui et dont le soudain départ nous a totalement pris au dépourvu. Mission pénible, dis-je, compte tenu des liens étroits qui m’attachaient personnellement à ce valeureux officier. 

En effet, Gérard Lacrête fut mon condisciple au Petit Séminaire Collège Saint Martial jusqu'à la classe de quatrième. Ensuite, on s’était retrouvé en l’année 1959, dans cette école de l’honneur, du devoir, du patriotisme, la vénérable Académie Militaire d’Haïti. Depuis, les liens d’amitié sincère tissés entre nous se sont raffermis au fil du temps. Je me sens donc bien placé pour endosser, en cette douloureuse  circonstance, l’impérieux devoir que me confient le Commandant en Chef, le lieutenant-général Jodel Lessage, le Haut-Commandement des Forces Armées d’Haïti et mes camarades de promotion, de rendre un ultime hommage au citoyen émérite que fut le major-général Gérard Lacrête. 

Reçu le 9 octobre 1959 comme Cadet à l’Académie Militaire d’Haïti, Gérard Lacrête fait partie de la promotion Lysius Félicité Salomon Jeune. Sorti deuxième de la promotion et commissionné sous-lieutenant en septembre 1961, il débutait avec honneur et prestige une carrière professionnelle active au service de son pays. Discipliné, intègre et responsable, Gérard Lacrête a eu un parcours exemplaire au sein de l’institution militaire. Intellectuel de haut niveau et voulant enrichir ses connaissances, le voilà qui fréquente l’Institut Supérieur Technique d’Haïti (ISTH) où il obtient son parchemin d’ingénieur civil. Sa soif de savoir le porte aussi à obtenir sa licence en Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques. S’il n’a pas eu à professer le Droit, il eut à appliquer avec compétence ses connaissances en génie civil tant à titre personnel qu’au sein de la firme d’Études ETCO en compagnie de collègues de renom dans l’art de la construction, tels l’Ingénieur Karl Gaetjens ou l’architecte Robert Paret. 

Originaire de Pétion-Ville, Gérard Lacrête a rempli en citoyen responsable ses devoirs d’époux et de père de famille. Il s'est évertué à inculquer à ses enfants, à côté d’une éducation soignée, les grandes valeurs religieuses et morales, tels que la crainte de Dieu, la solidarité humaine, le respect de l’autre, l’intégrité, la droiture, l’amour de la patrie. Homme de grande culture, il charmait par son comportement exemplaire au sein de la société, comportement marqué au coin du plus pur humanisme. Homme de bon commerce, Gérard a toujours fait montre d’une sincérité et d’une affabilité sans bornes dans ses relations sociales. Son point fort était sa loyauté. Il faisait siennes les règles d’éthique qui s'imposent à tout cadet recevant la formation militaire: “Le Cadet ne ment pas, le Cadet ne triche pas, le Cadet ne vole pas, le Cadet ne tolère pas le camarade qui enfreint ces interdits”. Sa loyauté, selon lui, devait être bien appréciée par l’ami qu’il côtoyait. Il était hors de propos de douter de la parole de Gérard Lacrête. Sinon, il faisait montre d’une intransigeance teintée de jalousie.

 

L’officier Gérard Lacrête a débuté sa carrière, comme tous les officiers de ma promotion, dans les districts de province. Affecté en octobre 1961 comme Officier de service à la 19ème Compagnie Mobile de Ouanaminthe, sur la frontière, l’année suivante, le voilà bénéficiaire d’une bourse d’études du gouvernement américain accordée aux deux premiers lauréats de la promotion, lui et votre serviteur, pour des études militaires plus avancées d’abord à la US Naval Intelligence School de Anacostia, en banlieue de Washington, D.C., puis à la US Marine Corps School à Quantico, Virginia. De retour au pays en l’année 1963, il fut affecté d’abord au Quartier-Général du Département Militaire du Sud, aux Cayes. Des Cayes, l’Armée fit appel à son expertise au Camp d’Application où il mit ses talents d’instructeur à contribution dans la formation des sous-officiers de l’institution. Ensuite, après un court passage aux Casernes Dessalines, il est muté à l’Académie Militaire d’Haïti, notre Alma Mater, où il exerça la plus grande partie de sa carrière jusqu’à devenir le directeur de ce noble centre de formation des officiers de l’Institution.  

Là intervient un épisode imprévu dans sa carrière. En septembre 1983, il reçut un message le mettant à la retraite anticipée. Réintégré au service actif en janvier 1986, Gérard Lacrête fut promu colonel et nommé Attaché Militaire, Naval et de l’Air près l’Ambassade d’Haïti à Washington, position qui lui permit de se distinguer au Collège Inter-Américain de Défense, une institution d’éducation qui propose une maîtrise ès sciences en défense et sécurité interaméricaines, et d’occuper la chaire d’Haïti à l'Inter american Defense Board, une entité de l’OEA qui élabore des approches sur les problèmes communs de défense et de sécurité auxquels sont confrontés les pays de la région. Rapatrié au pays en 1989, le colonel Gérard Lacrête fut promu général de brigade et affecté au poste de Chef d’État-Major Général de l’armée, où il s’était fait remarquer par son savoir-faire, sa compétence et sa loyauté à toute épreuve. À cette position, c’était sur lui que reposaient la planification et la réussite sur le plan sécuritaire des élections de 1990 qui se sont déroulées dans l’ordre le plus parfait. C’est lui aussi qui a géré la reprise de contrôle du pays lors du coup d’État manqué de la nuit du 7 janvier 1991. Un mois plus tard, le 7 février 1991, il fut mis à la retraite au grade de major-général. 

Major-général retraité, Gérard Lacrête a mené sa vie avec le calme olympien de 2

l’officier qui n’avait rien à se reprocher et le sentiment du devoir accompli. Il a vécu sa retraite dans l’humilité. Cependant, sollicité par le ministère de la Défense, et répondant toujours à l’appel du devoir, il avait accepté d’y partager ses expériences comme Consultant puis, à côté d’autres collègues militaires, comme membre du Bureau des Anciens Généraux créé au sein de ce ministère. 

Voilà, en brèves hachures d’idées, le riche parcours de l’Homme qui vient de nous quitter si abruptement. Une violente crise cardiaque l’ayant terrassé, Gérard Lacrête a rendu l’âme à son Créateur après quatre-vingt-quatre ans d’existence. Son départ constitue une grande perte pour le pays et pour les siens.  

Les Forces Armées d’Haïti, les camarades de la Promotion Lysius Félicité Salomon Jeune présentent, par mon organe, leurs condoléances les plus émues à ses enfants Gérard Junior “Gerry” Lacrête, son épouse Floralynn, et Grégory Lacrête, son épouse Sarah-Lyss; à ses petits-enfants Natalia, Giovanni, Christian-Laurent, Samyra Lysse, Sébastien-Olivier, Zarra-Maguy Joséphine; à ses soeurs Denise Lacrête Mésidor, Rose-Mary Bonny, et Marie-Paule Bonny Joseph; à son frère Émilio Bonny. 

Ces sympathies vont également à Madame Ketty Hall, la mère de ses enfants; à Madame Noëlle Geatjens, qui a partagé sa vie pendant près de vingt ans; à sa chère filleule Johann Lamothe, qu’il considérait comme sa propre fille ; à tous les parents et amis si éprouvés par cette perte cruelle. 

Mon cher ami Gérard, tu t’en vas, mais sache que tu restes encore présent parmi nous. Tu restes encore présent à travers tes deux (2) enfants, tes six (6) petits-enfants, tes nombreux amis et tous ceux qui t’ont aimé. Je suis certain, cher frère, que tu vas retrouver dans la Maison du Père ton ami d’enfance Jean Lamothe qui t’a précédé ainsi que ta chère maman Marie Joséphine Honorine qui t’a quitté il n’y a pas une année.  Tu as bien rempli ta mission sur cette terre. Pars donc en paix! Le personnel des Forces Armées d’Haïti, du service actif et de la réserve, les anciens cadets de la promotion encore vivants, figés au garde-à-vous, te disent à l’unisson : Bon voyage! 

Merci.

 

Matthieu Prosper Avril, né le 12 décembre  Biographie