Ici. Maintenant. L'horreur. L'enfer. La vie, ici, a un arrière goût de putréfaction. Ils ne sont pas vraiment morts ceux qui sont restés. Ils ne sont pas vraiment en vie non plus. Trop faibles pour fuir. Trop pauvres pour s'acheter une passe.

Ici. Maintenant. L'horreur. L'enfer. La vie, ici, a un arrière goût de putréfaction. Ils ne sont pas vraiment morts ceux qui sont restés. Ils ne sont pas vraiment en vie non plus. Trop faibles pour fuir. Trop pauvres pour s'acheter une passe. Ou trop tard. Trop tard pour se décider. Aujourd’hui,  nous sommes là. Nous nous entretuons. Et le reste du monde regarde cette scène en se demandant pourquoi cela dure autant. Ils attendent notre fin. Comme si elle n'était pas déjà là.

J'avais quoi? 20 ans quand presque tout le monde se rendait au Chili. Je me disais jeune. Étudiant à la Faculté des sciences humaines de l'Université d'État. J'avais peut-être de l'avenir ici. Et puis, qu’est-ce que j'allais pouvoir faire là bas? Je suis resté là. Et pourtant, plus de 10 ans plus tard, je n'ai jamais terminé ma licence. Malgré le fait que, tous mes proches peuvent en témoigner, je n'étais pas un mauvais étudiant et j'aimais la psychologie. 

2 ans plus tard. La fuite pour le Brésil. Tout le monde partait. Encore. Le Chili avait cessé ses voyages depuis le pays. Le Brésil était maintenant ouvert. Combien sont partis? Pourtant, je m'étais dit à peu près les mêmes conneries. J'avais peut-être mes chances ici. Mais j'avais surtout peur de devoir tout recommencer ailleurs. Je n'étais pas du genre à sauter dans le vide sans savoir où et comment j'allais atterrir. Je me disais que dans la jungle, si on joue à Tarzan, on doit d'abord s'assurer que la nouvelle branche est solide avant de lâcher prise sur la première sinon on risque de se casser la gueule. Mais que faire si la première branche ne tient qu'à un fil? Si elle risque de se rompre, ne doit-on pas sauter et espérer que la nouvelle sera meilleure? J’aimerais avoir ce raisonnement plus tôt. 

J'ai vu des étudiants s'éteindre sous l'indifférence du plus grand nombre. Des docteurs, des jeunes entrepreneurs assassinés. Hier encore, j'ai sursauté sur un flic, il est sorti de nulle part et on ne se voyait pas venir. Il a paniqué et sa main sur son holster, il était prêt à dégainer. Voila. On a tous peur. Il a un flingue. Il a beaucoup plus peur que moi. On a enlevé un gars. Son fils apporte la rançon. On le séquestre à son tour. Je me demande qui aura les couilles d'apporter la rançon pour le fils…

Et je repense à ce texte que j'avais écrit:
« Parce qu’on en a marre de voir nos rêves violés Par ces marchands de sables travestis 
Parce qu’on en a marre d’avoir le mal de vivre dans son pays natal
Parce que 
Quand on ne se sent plus chez soi à la maison
On part

Alors on part

On s’en ira même en enfer si ce dernier devient visa free
Parce qu’on a compris
Qu’avant
C’était, il faut que la jeunesse se passe
Maintenant
C’est, il faut que la jeunesse se casse
… »

Peut-être qu'on se doit de regarder son frère ou sa sœur à côté de nous et lui dire : « courage, fuyons ! »

 

Un homme de soixante-neuf qui apprend qu’il va avoir son premier fils s’écrie : "Mon Dieu ! Quel miracle !!!" Mais un homme de soixante-neuf ans qui apprend qu’il va avoir son 4e enfant s’écrie forcément : "Et merde ! Pas encore !"

Au départ, papa …

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