Tout ce qui se rapporte à mon pays a un goût de liberté, à plus forte raison, sa cuisine. Au terme de plusieurs années de lutte, nos ancêtres cassèrent les chaînes de l’esclavage, conquérant ainsi leur liberté.

Tout ce qui se rapporte à mon pays a un goût de liberté, à plus forte raison, sa cuisine. Au terme de plusieurs années de lutte, nos ancêtres cassèrent les chaînes de l’esclavage, conquérant ainsi leur liberté. La guerre de l’indépendance prit fin le 18 novembre 1803 à Vertières. L’armée française de Napoléon Bonaparte, la plus puissante de son époque,  essuya une cuisante défaite face à notre armée indigène dont la principale force était la détermination, la rage même de ses vaillants soldats de vaincre pour se défaire du joug des tyrans qui les opprimaient. Et ceci, au prix même de leurs vies.

On imagine aisément l’euphorie qui régnait pendant les jours qui suivirent cette glorieuse victoire. Officiellement, sur la place d’armes des Gonaïves, le 1er Janvier 1804, le père fondateur de notre patrie, entouré de ses généraux, l’illustre Jean-Jacques Dessalines proclama notre indépendance, dont l'acte fût rédigé par notre cher Boisrond Tonnerre, originaire de la commune de Torbeck, actuelle commune de l’arrondissement des Cayes. Saint-Domingue disparaissait pour céder la place à Haïti. Ainsi, vit le jour la Première République Noire Indépendante du monde.

On célébra dans l’allégresse la naissance de la toute nouvelle nation. Le plaisir était certainement au rendez-vous, et bien sûr celui de manger. Lors de ces réjouissances, un plat allait symboliquement sceller notre liberté. Il s’agit de notre fameuse « soup joumou. ». Dès lors, le dernier jour de l’année est marqué par l’excitation de la préparation de la soupe du jour de l’an. Chez nous, on ne saurait accueillir une nouvelle année et surtout célébrer notre indépendance sans ce délice du palais. 

Beaucoup se questionnent sur l’origine de ce mets cher à nos cœurs. L’histoire reste floue à ce sujet. Deux versions sont rapportées pour expliquer la préoccupation de tout Haïtien authentique de prendre comme premier repas de l’année un bol de « soup joumou » au matin du 1er Janvier. 

Certains disent que ce potage était considéré comme un mets prestigieux, interdit aux esclaves qui en concoctaient sa préparation depuis la culture des ingrédients dans les champs jusqu’à ce qu’il soit servi sur la table des maîtres. Alors, pour envoyer un signal clair de leur nouveau statut d’êtres libres, le savoureux pot-au-feu fût popularisé, devenu accessible à tous. 

Baïna Belot est plutôt d’avis que ce mets a été créé par la noble épouse de Jean-Jacques Dessalines, Madame Claire-Heureuse. Elle avance que cette dernière avait la connaissance des vertus des plantes. Elle aurait donc utilisé ce don pour mettre à la disposition des soldats de l’armée nègre un repas nourrissant, riche en vitamines capable de les garder forts malgré la privation de nourriture pendant des jours. Selon les affirmations de l’historienne, la « soup joumou » originelle était essentiellement composée de légumes liés par une purée de giraumon. Au fil du temps, de nouveaux ingrédients ont été ajoutés à la recette de base, tels que la viande, les pâtes alimentaires. Mais, ne vous méprenez pas, nous en sommes très jaloux et n'importe qui ne peut s’arroger le droit de la modifier. Récemment, un chef de renommée internationale a été pris à parti par nos compatriotes aux USA. Il a osé présenter dans un journal culinaire une espèce de mélange d’ingrédients qu’il décrivait comme la façon de préparer notre succulente ‘’soupe''. Conséquemment,  cette revue a dû présenter des excuses formelles pour cette offense faite à notre plat. 

Quelque soit son origine, la « soup joumou » est rentrée dans notre histoire, se rattachant à notre résistance, pour devenir une pièce importante de notre identité de peuple, un symbole sacré de notre liberté. 


 

Recette de la soupe de Giraumon

Ingrédients:

1 lb de cube de boeuf
1 lb de jarret de boeuf
½ lb de lard salé
1 ½ tasse de rigatoni
1 giraumon épluché et coupé (ou 2 lb surgelé)
1 petit chou effeuillé
3 grosses pommes de terre coupées en dés
1 branche de céleri hachée grossièrement
1 oignon coupé en rondelles
1 navet coupé en dés
1 litre de bouillon de boeuf
3 carottes coupées en rondelles
1 poireau tranché
2 clous de girofle
Sel et poivre au gout
1 cuillère à table de vinaigre blanc
1 cuillère à table d’huile d’olive
Poivre de cayenne au gout
1 lime
1 cuillère à table de beurre

Instructions:

Laver la viande avec la lime et de l’eau. Dans une grande casserole, faire bouillir les jarrets et cubes boeuf et le lard jusqu'à ce que chaque morceau soit tendre. Ajouter le giraumon. Lorsque le giraumon est cuit, le réduire en purée et remettre dans la casserole.

Ajouter les légumes, le poivre, le sel, le poivre de Cayenne au gout, des clous de girofle et les rigatoni. Verser le bouillon de boeuf en recouvrant le tout. Cuire jusqu'à tendreté des rigatoni et des légumes.

Additionner d’huile, du vinaigre et du beurre. Mijoter 20 minutes a feu moyen.

Servir accompagnée de pain.

 

 

Marie Johane Brinnius Banatte est née à Jacmel où se déroula sa petite enfance. Puis, elle vécut une grande partie de sa jeunesse à Port-au-Prince pour poursuivre ses études secondaires et universitaires.

Établie depuis environ 20 ans dans la métro…

Biographie