(L'histoire de la façon dont les médias façonnent les vues sociétales et individuelles de la santé mentale).

«Ne cédez pas à la stigmatisation. Un diagnostic ne détermine pas qui vous êtes ni ce que vous pouvez faire! »

 

(L'histoire de la façon dont les médias façonnent les vues sociétales et individuelles de la santé mentale).

«Ne cédez pas à la stigmatisation. Un diagnostic ne détermine pas qui vous êtes ni ce que vous pouvez faire! »

                                                                                                          Bonne thérapie.

Cette Rubrique de la santé tentera de capturer l'image de la santé mentale projetée par les médias et ses effets sur notre société et sur l'individu. Pour ce faire, nous vous invitons à suivre le parcours de Jason. Il est un étudiant en fin d’étude universitaire qui participe à un séminaire dans le but d'apprendre comment se comporter lors d'une entrevue pour l'emploi de ses rêves. Il est nerveux parce que c'est sa première tentative pour décrocher un poste de  haut niveau . En se familiarisant avec les différentes questions auxquelles il devait s'attendre et comment y répondre de manière appropriée afin de maximiser ses chances, il était également nerveux à propos de quelque chose d'autre.

Jason a lutté toute sa vie avec les Troubles de Déficit de l'Attention et d'Hyperactivité (TDAH). Il s'agit d'un trouble de santé mentale qui peut entraîner des comportements hyperactifs et impulsifs à des niveaux bien au-dessus de la normale. Les personnes touchées peuvent également avoir du mal à concentrer leur attention sur une seule tâche ou à rester immobiles pendant de longues périodes. Adultes et enfants peuvent aussi être atteints. Maintenant, Jason devait décider de le mentionner ou non, sera-t-il accusé d'avoir misé sur son handicap ou sera-t-il accusé de le cacher?

Quoi qu'il en soit, cela pourrait avoir un impact négatif sur ses chances d'obtenir et de garder cet emploi. Ce dilemme est celui auquel sont confrontés de nombreux demandeurs d’emploi. Vais-je perdre cette opportunité à cause d'une maladie mentale même si elle est sous contrôle? C’est  la pensée qui leur passe dans la tête. Cette interaction défavorable entre le chercheur d'emploi et l'employeur a été exacerbée par la façon dont la maladie mentale est décrite dans les médias. Heureusement, Jason était confronté à cette situation lors d'un séminaire avec l'aide de ses professeurs à sa portée et non lors d'un véritable entretien. 

Nous faisons usage d’une grande quantité de médias tout au long de notre vie sans jamais réaliser à quel point cela a un impact sur notre perception du monde, nos interactions les uns avec les autres et même nos décisions ou non d’entreprendre quelque chose. L'un des exemples les plus récents est la façon dont l’abus du tabac était auparavant popularisé dans les médias. Les vedettes de cinéma fumaient, donc c'était sympa et acceptable. À ce jour, même avec toute la contre-publicité avec l’évidence des effets néfastes du tabac, ce qui est un renversement de la façon dont il était présenté auparavant, il est toujours considéré comme une démonstration de succès et de hautes sociétés pour les hommes d'affaires de haut niveau de fumer des cigares (entre gens de bien?).

Ceux qui utilisent ce média prennent rarement le temps de considérer l'exhaustivité et la véracité de ce qu'ils voient et entendent. Pour les enfants et les adolescents qui consomment plus de médias génération après génération, cet effet est encore plus grand et plus répandu. Les enfants d'âge élémentaire qui regardent la télévision ou utilisent un ordinateur plus de 2 heures par jour sont plus susceptibles d'avoir des problèmes émotionnels, sociaux et d'attention.

Selon une étude connexe publiée par nih.gov: «Les résultats ont indiqué que, quel que soit le stade de développement des jeunes, des niveaux plus élevés de temps à l’écran chez les jeunes étaient associés à plus de troubles du sommeil, qui, à leur tour, étaient liés à des niveaux plus élevés de jeunes avec problèmes de santé comportementale. Les enfants qui passent le plus clair de leur temps devant un écran sont plus susceptibles d'avoir une mauvaise qualité de sommeil et des problèmes de comportement».

Les médias populaires ont largement déformé les problèmes de santé mentale présentés au public, même lorsqu'ils sont finalement mentionnés, les stigmates de la société ne sont pas systématiquement éliminés. L'association santé mentale et violence est une image fréquente que l'on rencontre dans les médias. Ce message omniprésent fait tolérer l'idée qu "Il est fou ", mettons-le dans cette jolie veste restrictive blanche pour qu'il ne cause de problèmes ni à soi-même ni aux autres." C'est malheureusement devenu une icône culturelle et une excuse acceptée. En médecine, certains progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies, concernant la restriction de la liberté du patient mental. L'utilisation de dispositifs restrictifs est réglementée et surveillée de manière plus appropriée, mais ces progrès n'ont pas encore atteint la conscience du public.

Le mot “fou” est d'ailleurs un mot dépourvu de sens scientifique et médical. Sur la chaîne du Nickelodeon, SpongeBob SquarePants est décrit comme souffrant de TDAH. SpongeBob est vu en train de faire des manèges destructeurs dans sa ville, provoquant des explosions et même à un moment donné croisant des faisceaux laser afin de nettoyer une plaque aux risques de détruire l'univers. Cela montre que même dès leur plus jeune âge, les enfants sont déjà soumis à l’association des maladies mentales avec le danger et la violence. Les médias modernes au cours des 40 dernières années ont eu beaucoup de films mettant en évidence comment ceux qui ont des problèmes de santé mentale deviennent violents, indisciplinés ou même indomptables. Ce lien entre la maladie mentale et le comportement violent est devenu encore plus ancré dans nos esprits. Ce n'est pas forcément vrai car la corrélation n'égale pas la causalité mais très souvent et d'une manière très simpliste, elles sont présentées comme interchangeables. Par conséquent, les problèmes de santé mentale ont constamment été mal décrits dans les médias. 

La stigmatisation liée à la santé mentale, l'une des principales raisons pour lesquelles on choisirait de ne pas demander l'aide psychologique nécessaire, se présente sous deux formes générales. Ce sont la stigmatisation sociale et l'auto-stigmatisation. La stigmatisation sociale est définie par des attitudes préjudiciables et discriminatoires envers les personnes ayant des besoins en santé mentale. Cette stigmatisation sociale est très bien illustrée dans le film “One Flew over the Cuckoo’s Nest”. Ce film a laissé au public une vision de la psychiatrie qui est encore vue à travers cette lentille cinématographique dépassée. Des stigmates plus subtils sont propagés par des désignations à consonance innocente, comme les patients médicaux sont exéatés de l'hôpital par opposition aux patients psychiatriques qui sont «libérés» même s'ils ont recherché le traitement de leur propre gré, tout comme les personnes atteintes de maladie cardiaque ou de diabète. D'autres stigmates sociaux sont moins subtils et sont des termes à la fois plus offensants et plus largement utilisés tels que «fou», «huards», «poubelle a fous» «azilés» et «la boite» sont encore utilisés comme argot pour la maladie mentale.

L'auto-stigmatisation est définie par l'intériorisation de ce préjugé et la discrimination par la victime. Cela peut conduire à des sentiments de honte, de solitude, d'isolement, d'anxiété et de peur qui peuvent empêcher une personne de chercher l'aide nécessaire et rendre tout type de traitement beaucoup plus compliqué. Cette croyance sociale négative affecte un large éventail d'individus dans notre société. Ni l'âge, ni la connaissance de la santé mentale, ni l'expérience avec une personne ayant des besoins en matière de santé mentale ne constituent un antidote à l'intériorisation de cet état d'esprit. 

Le Dr Tally Moses, de l'Université de Californie, a déclaré que la stigmatisation envers les adolescents ayant des problèmes de santé mentale provenait de membres de la famille, des condisciples et d'enseignants. 46% de ces adolescents ont décrit avoir été stigmatisés par des membres de la famille sous la forme d'hypothèses injustifiées (par exemple, la victime était manipulatrice), de méfiance, d'évitement, de pitié et de ragots. 62% ont été victimes de stigmatisation de la part de leurs condisciples, ce qui a régulièrement conduit à la perte d'amitiés et au rejet social (Connolly, Geller, Marton & Kutcher (1992). 35% ont signalé la stigmatisation perpétrée par les enseignants et le personnel de l'école, qui ont exprimé la peur, l'aversion, l'évitement et sous- estimation des capacités. La stigmatisation liée à la santé mentale est même répandue dans la profession médicale, du moins en partie parce qu'elle est peu prioritaire lors de la formation des médecins et des omnipraticiens. Parmi les 13 à 18 ans, plus de 46% l'ont eu ou souffrent d'un trouble mental en cours. Il est frappant de constater que 20% des jeunes de 13 à 18 ans souffrent ou ont souffert d'un «trouble mental gravement débilitant», et seulement 36% d'entre eux reçoivent un traitement. Grâce à cela, nous pouvons voir à quel point ils sont peu nombreux à recevoir ce dont ils ont besoin et comment cette stigmatisation sociale peut se transformer en auto-stigmatisation chez ces adolescents à mesure qu'ils grandissent pour devenir des adultes. Tout ceci sans parler des effets dévastateurs si la stigmatisation est déclenchée à un stade encore plus précoce de leur développement.

S'il est vrai que certaines maladies mentales peuvent conduire à un comportement violent, ce n'est pas le cas pour la plupart d'entre elles. L'un des films les plus récents montrant un lien important entre la maladie mentale et la violence est le dernier film de Joker. Bien que le film réussisse extrêmement bien à montrer à quoi ressemble la vie quotidienne des personnes atteintes de maladie mentale, il ne peut s'empêcher de lier la maladie mentale de Joker à la cause de sa violence. " Cela devient confus. Il est discrètement suggéré au public d’ associer le comportement violent de Fleck, en particulier la violence armée, à sa maladie mentale ", explique le psychiatre Vasilis K. Pozios, qui craint que le film ne renforce les arguments avancés après des actes violents tels que des fusillades de masse. "C'est comme si (Fleck) avait continué sa frénésie meurtrière parce qu'il est fou, c'est la conclusion à laquelle le public arrive, ce qui est malheureux. Cela risque de renforcer les perceptions déjà exagérées que les gens pourraient avoir."

Cette idée de maladie mentale et de violence, en particulier la violence armée, est celle qui est montrée dans de nombreux vecteurs médiatiques. Cela amène le jeune à croire que les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont très dangereuses et les patients mentaux à la décision de ne pas demander de l'aide par crainte de cette stigmatisation. Des histoires malheureuses comme par exemple: découvrir que grand-mère Smith, la vieille d'à-côté, a une maladie mentale qui change toute votre perception d'elle. Elle devient soudainement beaucoup plus dangereuse, sans tenir compte du fait qu'elle vous donnait des biscuits fraîchement cuits depuis que vous étiez assez grand pour parcourir le quartier. C'est le genre d'état d'esprit qui a été popularisé par les médias modernes. Toute notre vie, nous avons rencontré des dizaines de malades mentaux qui ne feraient jamais de mal à une mouche. Nous devons nous opposer à la perpétuation de la désinformation et des malentendus dans notre société concernant la santé mentale et la violence.

La question «La psychologie est-elle une vraie science?» a été un débat qui fait rage depuis la seconde moitié du 19e siècle à aujourd'hui et est toujours en discussion dans les médias. Le public n'a pas autant confiance dans le domaine de la psychologie que dans les sciences dures comme la médecine et ses domaines connexes. La vision du public de la science s'accompagne de l'image de la mesure et de la définition précises des choses, de la cause avérée et des effets, et est globalement moins confuse que ne le sont les disciplines psychologiques. Avec les sciences dures, le public peut pointer vers un objet comme une voiture et dire que cela a été fait en utilisant des disciplines telles que le génie mécanique, l'électrotechnique, la conception de systèmes informatiques; pour les maladies, ils peuvent pointer vers la biologie, la biochimie et la pharmacologie, mais il ne s’agira pas d’un exercice similaire pour les maladies mentales. Pour notre société, l'image qui nous vient à l'esprit en matière d'aide mentale est celle de se coucher sur un canapé et se faire analyser par un psychologue (ce qui était autrefois fait par des prêtres), d'être placé dans un asile psychiatrique ou de devenir violent et de causer des dommages à son entourage. Le public ne croit même pas à l'illusion de solutions garanties qu'il espère avec les sciences dures. C'est en partie la raison pour laquelle cette désinformation et ces stigmates existent encore aujourd'hui. Le processus d'aide psychologique n'est ni clair ni simple, et à cause de cela, notre public ne fait pas assez confiance à cette science ni à ceux qui la pratiquent.

Pendant une période où les jeunes commencent à se faire leur propre opinion, avoir des informations erronées peut avoir des conséquences importantes sur les générations montantes. Cela conduit à l'aspect social durable de ce problème. Si on nous dit dans les médias dès le plus jeune âge que ceux qui ont des problèmes de santé mentale sont fous et violents, à moins que nous aille faire des cherches pour plus d'informations crédibles, cela devient notre opinion en tant qu'adultes. Pour une génération qui a été fustigée par cette information dans les médias au cours des 40 dernières années et soutenue par les mêmes croyances et enseignements des générations précédentes, la maladie mentale est devenue un stigmate qu’on voudra éviter à tout prix. 

Un autre problème de ce point de vue est sa nature auto-renforçante. Si vous grandissez en croyant que la maladie mentale équivaut à être fou, violent et que le psychologue ne peut pas vous aider ni être digne de confiance, alors c’est ce que vous enseignez à vos enfants. Ceci est ensuite renforcé par les médias populaires et perpétue un cycle de personnes qui ne veulent pas obtenir d'aide par peur et par méfiance. Un autre effet moins prononcé mais lourd en conséquence est que la société n'aura jamais la chance de faire face à la charge appropriée de besoins en santé mentale.

Les preuves scientifiques montrent que s'il existe une corrélation entre la maladie mentale et la violence, l'une ne cause pas l'autre. Par conséquent, je crois que la dualité maladie mentale et la violence ont été déformées dans les médias. Les effets et les moyens de communication ont été au mieux pernicieux. Si tel est le cas, comment devons-nous éduquer notre société pour que ceux qui ont besoin d'une aide en santé mentale n'aient plus peur de l'obtenir? Briser ce cycle de croyance dans notre société est nécessaire pour que notre progéniture grandisse sans la peur constante qui nous préoccupe aujourd'hui de la maladie mentale. 

Les changements éducatifs à grande échelle sont l'un des changements les plus importants que nous puissions apporter, pour modifier la vision sociale de la maladie mentale et pour exploiter l'aide que le domaine psychologique peut apporter. Tout comme la science a commencé à dépasser les superstitions du Moyen âge, à travers l'éducation des jeunes, le parrainage du gouvernement, les publicités pour accroître la sensibilisation, il est devenu désormais possible de réussir dans cette entreprise. Des changements dans la façon dont les médias montrent la maladie mentale dans leurs productions auraient un impact énorme en raison de la quantité consommée par la population. Ce n'est pas un changement facile dont on peut s'attendre à ce qu'il soit accompli en une vie, aussi bien que tout type de discrimination ou de stigmatisation sociale, il faudra une prise de conscience du problème et une volonté de changer. Comme nous nous sommes battus dans le passé pour accroître la sensibilisation aux maladies physiques, nous devrions faire de même pour la maladie mentale. Ce faisant, les membres de notre population qui ont désespérément besoin d'aide seront prêts à se manifester et à la trouver enfin.

Jason, notre protagoniste du TDAH, a eu la chance d'avoir de nombreux instructeurs autour de lui pour l'aider à faire face à la peur et à l'anxiété qui le tourmentaient. Après plusieurs séances de pratique, Jason a terminé son séminaire avec optimisme et en ayant confiance en sa capacité à réussir son entretien. Nous reconnaissons cependant que beaucoup n’ont pas la chance d’avoir le support nécessaire pendant leurs moments de doute. Des millions de personnes dans le monde vivent dans la crainte que la divulgation de leur maladie ne conduise à leur stigmatisation sociale et professionnelle. La meilleure façon de compatir avec ce groupe défavorisé est d'imaginer l'impact dévastateur sur ses chances de succès perçues ou réelles dans une société qui valorise avant tout la concurrence. Grâce à ces actions et bien d'autres, nous espérons promouvoir des changements pour ceux d'aujourd'hui et de demain qui ont peur de demander de l'aide.