À travers le temps et parmi les régions, les morts ! Ceux qui nous précèdent dans le grand voyage, ont toujours été traités de manière différente. Dans certains endroits on les consomme, tout simplement. De la bonne chair, disent les amateurs. En d'autres lieux, on s'en débarase le plus vite que possible, comme du poison. Certaines contrées leur réservent enfin un culte respectueux empreint d'amour, de tendresse, d'affection... Haïti est de cette classe. Caractère qu'Elle a adopté dans un esprit d'orgueil et de revanche après l'esclavage colonial où elle assistait impuissante au trépas de ses enfants, invalides et lâchės en pâture aux chiens sauvages après avoir travaillé toute leur vie pour un colon cupide, ingrat et injuste.

À travers le temps et parmi les régions, les morts ! Ceux qui nous précèdent dans le grand voyage, ont toujours été traités de manière différente. Dans certains endroits on les consomme, tout simplement. De la bonne chair, disent les amateurs. En d'autres lieux, on s'en débarase le plus vite que possible, comme du poison. Certaines contrées leur réservent enfin un culte respectueux empreint d'amour, de tendresse, d'affection... Haïti est de cette classe. Caractère qu'Elle a adopté dans un esprit d'orgueil et de revanche après l'esclavage colonial où elle assistait impuissante au trépas de ses enfants, invalides et lâchės en pâture aux chiens sauvages après avoir travaillé toute leur vie pour un colon cupide, ingrat et injuste. 

Avec le temps, les pratiques religieuses ont pénétré dans nos moeurs pour saluer le départ d'un frère, d'une soeur, d'un parent ou d'un ami avec plus de respect et de dignité. Et ce sont ces rituels religieux qui vont donner corps à ces habitudes d'antan dont je vous fais part maintenant. 

La mort de quelqu'un dans un quartier attristait tout le voisinage, au point que même la musique, les cris de joie ou de réjouissance disparaissaient pendant un certain temps dans cette zone car on était en deuil avec la famille. 

Il n'était pas encore question de morgue privée, pour la conservation du corps. Il fallait donc enterrer le corps dans le plus bref délai pour éviter qu'il commence à dégénérer, à se décomposer. 

On installait le cadavre dans une chambre après lui avoir prodigué un bain. On l'enveloppait dans un drap blanc. On lui attachait les deux gros orteils, des deux pieds. On lui passait un mouchoir blanc ou une serviette blanche sous le menton et le nouait sur la tête pour que la bouche ne s’entrouvre pas, avec un petit morceau de coton introduit dans les marines. Puis, on allumait une lampe éternelle sur une petite table placée proche des pieds du mort. Les funérailles souvent avaient lieu le lendemain, sinon on plaçait un gros morceau de glace sur son thorax et un autre sur son abdomen pour la conservation du corps.

Le salon de la maison était orné de draps blancs. Sur la table recouverte, elle aussi d'un drap blanc, était posé un bol rempli d'huile de Palma Christi avec une une bougie faite de coton qui brûlait vingt-quatre heures sur vingt-quatre. 

Le même soir du décès, une veillée de prière est organisée, présidée par un kantikè ( cantiqueur ). Ce dernier était un Monsieur très respecté de la zone. On l'appelait même " pè savann ". Un prêtre de la savanne ou de la zone, ou du quartier. Il était toujours muni de sa bible ou du missel à l'époque. Le plus connu et le plus honorable lors, aux Cayes s'appelait Bernier, avec sa voix de centaure. Mais il y en avait d'autres dont le vieux Trèzius Auguste etc… Bernier administrait et dirigeait la veillée. Et des parents se faisaient un devoir scrupuleux de distribuer de larges rasades de clairin à tous ceux qui participaient. Ils distribuaient aussi du café, du thé et parfois meme de la nourriture quand le défunt avait laissé de quoi en réserve.

Le lendemain, les funérailles sont célébrées en la Cathédrale, au Sacré-Coeur ou à domicile. Le plus souvent le cercueil était transporté à bras d'hommes; car il n'était pas encore question de corbillard à moteur ou fréquemment à cheval. Le seul dont disposait la ville n'était pas à la portée des petites bourses. C'était tout simplement une carosse tirée par un cheval. 

Wè pa wè, antèman pou katrè. 

Il faut que le Mort soit enterré au plus tard dans les vingt-quatre heures. C'était d'abord de la solidarité. Tout le monde apportait ce dont il disposait ou en était capable au voisin frappé par ce deuil. Car on ne pouvait pas conserver le mort. Il fallait donc faire vite pour l’inhumer. C'était de l’aide effective conviviale et agissante. Aujourd'hui, c'est le contraire que l’on observe.

Le lendemain soir des funérailles, vers six ou sept heures, les amis se réunissaient avec la famille autour de la table initiale toujours recouverte de la nappe ou du drap blanc, sur laquelle brillait toujours la lampe éternelle, surmontée d'un Crucifix pour débuter la neuvaine de prière toujours dirigée par le kantikè muni de son missel. Entre-temps l'odeur agréable du café et du thé de canelle, de gingembre et basilique qui y sont débités caresse l'odorat tout en embaumant toute la maison. Le clairin de Dazma Piram est servi à gogo pour les disciples de Bacchus. Durant toute la neuvaine, on chante, on prie, on boit et on mange même au nom du défunt.

À la neuvième et dernière nuit de prière, c'est la gargotte, gargantuesque et pantagruélique, pourrait-on dire. On mange à satiété : du riz au pois ou en sauce, de la viande de porc, du cabri, du boeuf, du bouillon… On boit du clairin, du café, du chocolat, du thé. Rien n'y manque…

Et cette cohorte de jeunes, garçons et filles, qui se raffolent de certaines chansons pour les transfomer en pièces grivoises et insanités !!!  Je vous en fais grâce.  

Je me souviens jusqu'à présent des titres de certaines de ces chansons que je peux évoquer pour vous, comme par exemple : “ TROIS VIEUX ZO, LES TROIS PIGEONS, TOMBEAU LA MADELAINE ”entonnées avec tristesse et mélancolie par la voix nazillarde du vieux Treizius Auguste, Tonton Treize, ou la voix rauque et tremblante de l'inoubliable Bernier.

Le lendemain matin, la famille et les proches vont assister à la messe, le plus souvent recommandée, pour le repos de l'âme du défunt ( messe de REQUIEM ). Après cette dernière offrande religieuse ou oblation au nom du défunt, ils se rendent à la maison où le café est déjà prêt à servir au besoin. Ils en prennent tous une tasse accompagnée de pain. Puis il se dirigent au cimetière où ils vont faire chacun une ultime demande ou dire un dernier mot au défunt. Il lui ont rapporté en la circonstance un peu de tout ce qu'on mangeait hier soir en son nom, mais paticulièrement du café, du pain et du clairin.

On repart tous ensemble, après une courte prière. Et le deuil commence. On est en deuil. On portera le noir ou le blanc pour une certaine durée de temps.

Aujourd'hui, les choses ont changé, malheureusement dans le mauvais sens. Nos cimetières, lieux de repos des trépassés, autrefois si respectés, sont aujourd'hui spoliés, violés, maltraités. Nos autorités municipales en ont par dessus la tête et sont dépassées par cette situation qui a tendance à empirer chaque jour. Depuis le décès de nos devanciers, on leur fait souffrir en troublant ce repos si bien mérité, par des musiques inappropriées, inconvenantes : “ du compas, du rabòdày, un disco, une soirée désagréable “ qui n'a rien à voir avec le deuil et la tristesse de la famille. Des déhanchements lascifs, parfois des danses sexuelles encore plus désagréables pour une circonstance si affictive et affligeante pour les proches du défunt qui sont obligés parfois de tirer la vache par la queue pour nourrir cette bande de profiteurs et d’abuseurs inconscients durant toute une nuit et souvent même durant plus d'une semaine. La famille affligée ne reçoit plus rien en signe de solidarité et est obligée de dépenser à longueur de journée pour fournir les quatre besoins à ces visiteurs impromptus qui ne cessent de défiler à longueur de journée.

 

Jean William GUILLAUME


NÉ AUX CAYES. 


PROFESSEUR DE FRANÇAIS, D'ANGLAIS, D'ESPAGNOL, DE LATIN ET D'HISTOIRE. PRÉFET DES ARRONDISSEMENTS DES CAYES ET DE PORT SALUT. SUPERVISEUR DÉPARTEMENTAL DU CEP DANS LE NORD OUEST( ÉLECTIONS…

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