Mai est l'un de mes 3 mois favoris de l’année et cela pour bien des raisons. Quand j’étais enfant, et aujourd’hui encore je l’avoue, j’adorais sa prodigalité en jours de congé ou pour mieux dire en jours de fête.

Mai est l'un de mes 3 mois favoris de l’année et cela pour bien des raisons. Quand j’étais enfant, et aujourd’hui encore  je l’avoue, j’adorais sa prodigalité en jours de congé ou pour mieux dire en jours de fête. Et aujourd’hui encore, je le confesse, dès que je le sens proche, je consulte secrètement mon calendrier afin de savoir si on allait pouvoir jouir du plaisir de la liberté de ses jours fériés. Eh oui, les adultes autant que les enfants aiment bien profiter de ces petites pauses au cours d’une semaine de travail ou encore prolonger leurs week-ends.

 

Très souvent, dès son premier jour, mai nous gratifie d’un jour de fête et férié à la fois. Quand j’étais enfant, c’était un beau moment où l'on célébrait joyeusement la fête de l'agriculture et du travail. De plus, dans ma ville natale Jacmel, c’est aussi la patronale des Saint Jacques et Philippe. Point n’est besoin de décrire l’effervescence de la cité. Je me souviens de la belle messe solennelle célébrée à l’occasion. Je revisite, dans ma mémoire, ces foires agro-artisanales où Haïti pouvait vraiment se qualifier de pays essentiellement agricole. Je revis ces années où mes yeux de petite fille s’émerveillaient devant ces ignames « monstrueuses", ces grosses noix de coco, ces énormes régimes de bananes venus de différentes communes du département du Sud-est. Ces produits exposés faisaient la fierté des paysans, et ravissaient la vue des visiteurs petits et grands. Aujourd’hui encore, établie aux Cayes, je ne rate jamais l’occasion de prendre part à de pareilles activités réalisées dans la ville pour marquer la fête de l’agriculture et du travail et ainsi apporter mon soutien à  ces braves cultivateurs qui peinent si durement pour nous fournir les produits indispensables à notre alimentation. Mais, c’est avec une pointe de nostalgie que je me rappelle de celles auxquelles je participais autrefois. Je me demande si la terre cultivée aujourd’hui est différente de celle d’autrefois. Les produits récoltés à présent semblent de pâles reflets de ceux d’antan.

  Mai nous entraîne de nostalgie en nostalgie. En effet, son 18ème jour marque la fête de notre drapeau. C’est avec un pincement au cœur que je remémore les activités qui commémoraient la création de notre bicolore. À mes tympans, résonnent les sons des fanfares qui rythmaient les pas des écoliers et écolières, fiers /fières de marcher dans la parade. La solennité de ce jour semble être perdue dans les méandres de la médiocrité qui sévit depuis de trop nombreuses années dans notre cher pays. Qui ne se souvient pas du Te deum chante en ce jour auquel assistaient les protocolaires autorités civiles et politiques de la nation. Notre prestige en a pris un bon coup avec les années. 

Malgré tout, mai continue aujourd’hui  encore son chemin pour nous offrir en son dernier dimanche l’une des plus belles fêtes l’année : celle des mamans. Mes sentiments sont partagés plus que jamais entre la joie naturelle de cette fête et la double mélancolie qui pour moi l’imprègne.  D’une part, je suis heureuse d’être fêtée en ce jour jouissant moi-même de cet honneur que la vie m'a fait d’être maman. Mais, d'un autre côté,  je songe avec un soupçon de peine  à ma mère partie bien trop tôt. À ce chagrin, s’ajoute un certain manque de chaleur à la fête de nos jours. Est-ce dû à la précarité de notre situation économique qui affecte notre vie de peuple jusqu’à notre culture ? À mes oreilles de petite fille, parvient encore au loin dans ma mémoire la voix des marchandes de fleurs en papier, rouges, blanches ou mauves  comme chantant  flè dè mè pour offrir leurs modestes mais mignonnes petites fleurs qui seront arborées gaiement ou tristement par les acheteurs et acheteuses selon que  cet être si cher à nos cœurs soit encore présent ou ait déjà fait le grand voyage.

 

En dépit de la décadence des mœurs et du temps, mai reste et demeure un mois important dans notre vie de peuple, des points de vue historique et culturel et le restera peut-être encore pour de nombreuses générations à venir.

 

Marie Johane Brinnius Banatte est née à Jacmel où se déroula sa petite enfance. Puis, elle vécut une grande partie de sa jeunesse à Port-au-Prince pour poursuivre ses études secondaires et universitaires.

Établie depuis environ 20 ans dans la métro…

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