Il fut un temps, les marchés en Haiti étaient différents. Ils étaient comme des scènes de théâtre où couleurs, senteurs, saveurs, rivalisaient de séductions et d’attirance. On y allait non seulement pour acheter mais surtout, pour déambuler à travers les étalages de produits agricoles frais et variés. A chaque visite, une découverte.

Il fut un temps, les marchés en Haiti étaient différents. Ils étaient comme des scènes de théâtre où couleurs, senteurs, saveurs, rivalisaient de séductions et d’attirance. On y allait non seulement pour acheter mais surtout, pour déambuler à travers les étalages de produits agricoles frais et variés. A chaque visite, une découverte. C’était le coin des mangues qui n’était plus à sa place ou le cordonnier qui avait augmenté le prix de ses services de quelques « kòb» ou encore, une igname qui étonnait par son énormité. 

Le plus souvent aussi, dans ces marchés était aménagé un pâturage de fortune pour les montures des marchandes. Parce que ces dames venaient de chez elles, avec leurs marchandises, à dos d’âne, de mulet ou de cheval. L’espace offrait un autre spectacle : les animaux semblaient communiquer entre eux, ils avaient fini par se connaitre l’un l’autre, et à certains moments, on pouvait se demander s’ils n’échangeaient pas des quolibets piquants à propos des humains. Le plus touchant dans ces scènes, c’était l’ingénieux mécanisme mis en place pour organiser les soins aux animaux. Par rotation continue, chacun écopait d’un jour pour s’occuper des montures. Le responsable du jour venait avec les herbes de foin pour nourrir les bêtes et allait puiser de l’eau du point d’approvisionnement le plus proche pour les abreuver. Bel exemple d’entraide et de solidarité. Et le bénéfice de l’action collective bénéficiait à tous.

Il arrivait que des épisodes de bagarre surviennent dans ce « monde des animaux » : dispute pour la gouverne du territoire, la plus grosse part d’herbe fraiche, l’introduction d’une nouvelle tête. Les combats attiraient la foule des humains. L’enjeu parfois était de taille, car des paris se faisaient quand la lutte prenait une allure très compétitive. Les passions et mises pouvaient atteindre des proportions inouïes. Les jurons fusaient de toute part, les débordements de joie, les silences de concentration. Les comportements et attitudes prenaient des facettes multiples. On chantait, on dansait, on s’apitoyait. 

Cependant, l’espace était gardé très propre. Les responsables dans la rotation établie s’occupaient aussi du nettoyage en fin d’activités. Tout comme l’espace de vente, du marché, la journée se clôturait par un grand coup de balai pour éliminer les déchets indésirables. L’esprit de « Kombit » régnait en maitre pour garder un environnement de bien-être fraternel. 

Aujourd’hui, l’image de nos marchés fait peine à voir. Les vêtements et objets usagés venus par l’importation anarchique, envahissent une bonne partie des aires d’exposition des produits. Ce tableau est retrouvé dans les zones les plus reculés du pays, dans les marchés qu’ils soient urbains, suburbains ou ruraux. Les déchets s’accumulent en tout temps, les espaces sont mal aménagés et très mal entretenus, les utilisateurs (marchands et clients) et les autorités semblent impuissants à renverser la tendance. La situation d’insalubrité et de dénaturation s’empire de jour en jour.

Toute cette ambiance malsaine et déshonorante fini par générer un climat de tension, entre les différents acteurs. Les commerçants deviennent maussades, les clients contre attaquent, les mendiants se font agressifs.

Il est dommage que nos marchés, au fil du temps ne gardent qu’une piètre portée économique. La dimension traditionnelle, culturelle est en voie de disparition. Nos marchés ont été un espace de socialisation, un lieu d’expression socio-culturelle par excellence. Aujourd’hui, on ne va plus au marché par plaisir, mais parce qu’on est contraint. 

Saurons-nous faire revivre nos marchés d’antan ? Pourrons nous trouver les bonnes pratiques pour sauver ce patrimoine socio-culturel ? Il nous faut réfléchir non seulement pour améliorer les infrastructures, mais également pour retrouver la couleur locale de nos marché, ce morceau de notre identité de peuple.
 

A propos de

Fonie Pierre

Fonie Pierre est médecin avec une spécialisation en médecine communautaire, préventive et sociale.
Elle détient aussi un diplôme d’Etude avancée en Population et Développement/ Genre.

Elle est, par ailleurs, membre fondatrice de la Chambre de C…

Biographie