Dès sa fondation en 1698 par le gouverneur, Jean-Baptiste DUCASSE, de la compagnie des Indes Occidentales, Jacmel fut une ville de gens pratiques qui s’occupaient de leurs négociations.

Dès sa fondation en 1698 par le gouverneur, Jean-Baptiste DUCASSE, de la compagnie des Indes Occidentales, Jacmel fut une ville de gens pratiques qui s’occupaient de leurs négociations. Ces hommes rudes, forts, visionnaires et déterminés furent des visionnaires qui pratiquaient avec art, élégance et professionnalisme le droit, la spéculation, la poésie et se retrouvaient dans les Loges maçonniques pour consolider la politique locale de développement durable en construisant des institutions centenaires tels que le lycée Pinchinat, notre système d’eau potable, à travers une autonomie communale à laquelle ils croyaient. Terre nourricière, terre de prédilections, terre arrosée de l’amour de ses fils et filles, leur fierté leur faisait prendre le nom de « DJON ». Oui, le djon, au cœur de gaïac, ce bois dur qui résiste au feu et qui se consume avec modération. Voilà donc pourquoi,  Jacmel, en tant que première ville électrifiée dans la Caraïbe en 1895 a vu passer bien des touristes pendant le 19eme siècle et, les plus illustres restent et demeurent : Paul Gauguin qui y est venu en 1865, au temps de l’âge d’or de l’économie jacmelienne, Jean Coquelin  ( dans les années 1900) et Madeleine Renaud (1950) .  Et, à travers les années, Jacmel a connu tant de personnages illustres qui l’ont visité : Eric Vincent, Pierre Vassiliu, Bill Clinton, la Reine Sophie de Grèce,  etc… et, les plus illustres résidents ou natifs restent et demeurent : René Depestre, Jean Metellus, Jeanne Duval, Professeur Jean Claude, Hannibal Price, Gérard Barthelemy, Selden Rodman, Michaëlle Jean, Préfète Duffaut, Jorgen Leth…. Pour ne citer que ceux et celles-là. Beaucoup de noms surnagent, nous les consignons pour l’avenir. 
Comme on peut le comprendre, avec un tel pedigree, Jacmel, n’a jamais été rien qu’une ville touristique dès le départ et, le poète français, Norbert  Xavier Sylvera, en rendant hommage à Jacmel  dans les années 1986 eût à dire ces mots : 
 

« …Tu crois revivre un jour ? On ne se refait pas…
La Gloire, tu l’as eue, forte comme un rasoir,
Mais la lame émoussée a beau être aiguisée, 
Quand la peau a vieilli et qu’elle s’est fripée
Il ne te reste plus comme humble fierté 
Qu’à laisser tes longs crins cacher ta pauvreté,
Estomper un visage beau, vieux et alangui
Et que personne plus, ne voit comme jadis.
O Jacmel ! Tu attends une heure de renouveau…
Tu ne l’auras pas plus que les romains n’eurent Rome
Pour autre vocation qu’être un musée nouveau. 
 

Jacmel fut pourtant, à l’époque où ces vers prémonitoires de notre condition d’aujourd’hui étaient écrits, encore une ville touristique et les hôtels de cette époque : le Manoir Alexandra, la Pension Craft, l’hôtel L’amitié  et l’hôtel la Jacmelienne étaient au top de leurs jeux de recevoir les touristes qui affluaient vers notre bonne ville depuis les années 1930. Le boom touristique que connut Jacmel dans les années 1970-1990 s’estompa pour un moment et, vers les années 2008-2009, Madame Dithny Joan Raton, remit en place  la dynamique touristique. La chambre de commerce du sud-est était active avec des visionnaires pragmatiques tels que : Michel Gehy, Margarette Coutard-Lang-Kolhbrenner, la famille Khawly, Dr. Léon Paul, Pascarin Raymond, Joe Cross, Stéphane Vital, Patrick Boucard, David Belle… tous propriétaires d’hôtels, tours opérateurs, créateurs de festival de films, de Ciné Institute,  qui encourageaient les nouveaux venus dans le monde des affaires touristiques à avoir confiance en eux. Malgré toutes les difficultés économiques et le contexte sociopolitique, les touristes affluaient vers Jacmel. 2010 : Année  du séisme, solidarité humanitaire et internationale amena sur nos rives tant de projets pour la reconstruction de la ville 

 

et la relance du tourisme dans le département : visites guidées du Fort Ogé, Bassin Bleu, l’Etang Bossier, Cascade Pichon ; de nouveaux établissements hôteliers sont construits entre 2010 et 2015. Michael Capponi qui a fait la rénovation du downtown de Miami Beach dans les années 1990-2000 est à Jacmel pour aider à refaire de Jacmel une destination touristique de classe internationale. 

Jacmel a une des plus grandes écoles de cinéma dans la caraïbe, son carnaval est devenu une destination touristique locale et internationale, l’Ecole de Musique Dessaix Baptiste brille de tous ses feux ; le papier-mâché de Jacmel devient une commodité de référence ; l’hôpital St Michel est reconstruit au standard international ;   Jacmel est déclarée ville-créative par l’UNESCO ; le World Monument Fund vient en aide à la remise en valeur des immeubles du quartier historique du bord de mer ; festivals de l’amitié ; nos jeunes raflent tous les prix littéraires à l’étranger et dans le pays ;  festivals de jazz ; nous avons un service aéroportuaire qui assure le transport Jacmel-Port-au-Prince en 12 minutes; … ; tout semble marcher comme sur des roulettes. 

Aujourd’hui, Jacmel a plus de chambres d’hôtels qu’il n’en puisse compter et les remplir quotidiennement est devenu un grand problème : faute de touristes, depuis le phénomène du pays-lock et le covid-19 qui fait des siennes. 

 

Malgré tous ces semblants de progrès et envie de vouloir « décoller », pour reprendre le titre d’une vidéo de l’artiste J. Perry tournée à Jacmel, La ville est sale, couverte de piles de gravats de construction partout ailleurs, les motards créent une insécurité pour les piétons, nous avions même eu nos gangs  de violeurs et de voleurs aux noms déroutants « guêpes sans niches », « baz dezod », « tête de mort » « Zo Mafya »,  au service de politiciens véreux, vénéneux, corrupteurs et corrompus. Toute cette situation d’incertitude, de débandade, de laisser-aller, laisser-dire et laisser-faire rend  les gens méfiants, ternes, agressifs, déloyaux, stressés. Ajoutez à tout cela, la pauvreté rampante, criarde, malsaine, dégueulasse, aberrante qui rend les gens jaloux  du bonheur d’autrui, et enclins à la méchanceté de juger à tort et à travers. 

Une ville qui est montée au pinacle de la recherche de soi et qui tombe si bas dans l’ambiance politique malsaine actuelle devra faire beaucoup d’efforts surhumains pour retrouver sa place dans le concert touristique des nations. Malgré toute cette image désolante, je crois que l’avenir touristique de Jacmel peut changer, à condition que les gens changent  dans leurs cœurs, dans leur comportement, dans leur vision d’être et d’une prise de conscience de notre état lamentable!

Sursum Corda !
 

A propos de

Jean-Elie Gilles

Né à Jacmel, dans le  Sud-est d’Haïti, Jean-Elie Gilles vit aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années. Il détient un doctorat en littérature francophone de l’Université de Washington en 2002.  Sa thèse de Dissertation était Patriotisme, Humanisme, Modernité: Trois …

Biographie