Les bouleversements qui ont secoué Haïti ces dernières années ont mis à nue la vulnérabilité de la Péninsule du Sud. Tel un goulot, les évènements de Martissant ont fini par étrangler une région meurtrie par les catastrophes naturelles. La république de Port-au-Prince, jonchée pendant longtemps dans son isolement doré, est aujourd'hui atterrée dans un climat de violence. Récemment, les autorités centrales ont osé rappeler qu'Haïti n'est pas Port-au-Prince. Il s'agit bien sûr d'un argument vague pour essayer de sauver les apparences dans une situation catastrophique. Dans la pratique, le cœur économique et politique du pays bat dans la capitale et la capitale seulement. Tel un baobab solitaire, Port-au-Prince est tombé non sans affecter le reste du pays qui, malgré les déclarations interminables, n’a jamais gouté aux fruits de la décentralisation. Quand la capitale respire mal, c’est tout le pays qui meurt à petit feu.
Et pourtant, le reste du pays a tenté d’exister. Dans les villes de provinces, on a tenté de vivre comme ci Haïti n’amorçait pas une descente définitive aux enfers. L’écolier qui emprunte le chemin de l’école et le fêtard qui rentre un peu trop tard regardent vers l’avenir avec la réalisation que même l’acte le plus banal est devenu un privilège dans ce pays meurtri par ses propres fils. Et puis, dans les quotidiens qui se suivent et se ressemblent, Port-au-Prince est loin, très loin. En dehors de la capitale, les biens et les services se sont fait plus rares, plus chers. Si on vit, c’est avec le poids d’une inflation galopante qui valse au rythme des faiseurs de troubles. Même loin, Port-au-Prince a toujours son mot à dire.