Lorsque le gouvernement consulaire,

À sa tête le Grand Napoléon,

En ses réunions lisait les mentions

Effrayantes à propos de la terre,

 

Lorsque le gouvernement consulaire,
À sa tête le Grand Napoléon,
En ses réunions lisait les mentions
Effrayantes à propos de la terre,

De nos aïeux, tous furent effarés.
Ayant ouï dire que ses commissaires,
Grenadiers, nobles agents et corsaires,
Par Louverture furent châtiés,

Ce fut un choc pour l’entêté guerrier.
Dans l’indignation outrée était-il :
« C’est un esclave révolté, dit-il,
« Qu’il faut punir pour l’honneur outragé. »

Et le Grand Consul s’en alla vengeant.
Afin de blanchir la tâche en son nom,
Il dépêcha vite l’expédition
Contre ce noir, à sa barbe jouant.

Et ils vinrent, les gueux, puant la haine ;
Le tronc fort et puissant, ils accouraient l’abattre.
Ils firent couler la sève noirâtre
Le long des ramures du bois d’ébène,

Pour baigner ses légendaires racines
Qui furent celles de la Liberté.
Comme Judas, les bûcherons futés
Arrivèrent et prirent par rapine

L’immense tronc vert difficile à rompre,
Sacré Précurseur de l’Indépendance,
Qui dénotait une intense constance,
Perpétuelle, qu’allait interrompre

L’hostile climat et la solitude
Du minable cachot du Fort de Joux
Où, au noir on le livre, et à la toux
Que lui infligeait la haute altitude,

Loin des fils et de Suzanne chérie,
De sa patrie éconduit pour ce bagne,
Et pour y mourir. Il fallait qu’ils gagnent,
Ces avaricieux belligérants qui,

Aveuglés par l’idéal du Lion,
Dans toute l’Europe semaient la peur
De la guerre par milliers où ils meurent,
Avides de pouvoir, d’indigestion.

Tant que l’aube se pointera, les hommes
Tendront leur égoïsme à l’horizon.
Mais les descendants de nos bûcherons
Montrent que celui des autres en somme

Ne pourra excéder leur haut niveau
Voulant de lui nous priver aujourd’hui.
Mais tel crime n’eût pu être commis
Si nous savions honorer nos héros.