La Terre a d’abord connu l’hégémonie des Sumériens : Chaldéens puis Assyriens dans le Sumer, l’antique Mésopotamie, avant la civilisation tri-millénaire de l’Égypte dominatrice, gouvernée par des dynasties de pharaons.
Au cours des siècles, la passion du passé, entretenue par les antiquaires, devenue plus tard au milieu du 19e siècle l’archéologie scientifique, nous a permis d’identifier des codes juridiques fragmentaires provenant de certains Rois mésopotamiens comme ceux d’Urukagina (-2350), d’Ur-Nammu (-2100) ou d’Eshnunna (-1800) av. J.-C.

Mais la célèbre table de lois découverte au début du 20e siècle, ornée au sommet de la représentation d’un Roi mésopotamien et de Shamash, dieu de la justice, 3800 ans de cela à Babylone, fut mise à jour entière et complète.
Cette historique stèle en diorite de 2,25 m de haut et de 1,90 m de diamètre, pierre polie et sculptée du Code d’Hammourabi-6ème Roi amorrite de la grande Babylone (Basse-Mésopotamie -Sumer et Akkad- et Haute-Mésopotamie) vers la fin de son règne 1792-1750 av. J.-C., fut explorée à Suse, ancienne capitale de l’Empire perse, en décembre 1901 par l’archéologue Français Jacques de Morgan.
Regroupant 282 articles, cette table de lois constitue le document le plus complet de l’abondante juridiction des riches cités-royaumes de Mésopotamie, et, parmi ses jurisprudences, on observe le recours au Talion que l’on retrouvera chez les Juifs, les Grecs, les Romains, les Chrétiens, les Musulmans, dans la Torah, la Bible, le Coran… en religion et dans la justice.
Talion, du latin Talis, Talio, -pareil, semblable, tel- signifie : “ châtiment, sanction, punition, consigne, correction…”
Lex Talionis : loi du Talion, une des plus anciennes lois, consiste en la réciprocité du crime et de la peine; laquelle est souvent symbolisée par l’expression « Œil pour œil, dent pour dent ».
Elle symbolise un état intermédiaire de la justice pénale, entre le système de la vendetta et le recours à un juge comme tiers impartial et désintéressé.
Instituée dans nos traditions et mœurs dès la plus haute antiquité jusqu’à nos jours (En Iran, trois personnes devaient perdre un œil, le 02 août 2022) sous la forme de loi de légitime défense entre autres… telle elle se définit.
Les premiers signes originels de cette loi furent donc trouvés dans le Code d’Hammourabi, en - 1750 avant notre ère, dans le royaume de Babylone. Elle a permis ainsi d’éviter que les personnes fassent justice elles-mêmes (vengeance brutale) et a introduit un début d’ordre dans la société en ce qui concerne le traitement des crimes.
Le Code d’Hammourabi se dévoile par l’inscription d’une liste de plus de deux cents jurisprudences, et nombre d’entre elles sont empreintes de cette juste réciprocité du crime et de la peine, comme dans les jurisprudences 229, 230 et 231. À l’époque c’était considéré comme une avancée progressiste dans la justice pénale.
On retrouve aussi cette annotation à Œil pour œil, Dent pour dent dans deux autres jurisprudences du Code d’Hammourabi, la 196ème et la 200ème.
Chez le Grec Eschyle, père de la tragédie, on lit (Choéphores, 313) : « Qu’un coup meurtrier soit puni d’un coup meurtrier ; au coupable le châtiment. »
Platon (Lois, X, 872 de), à propos du parricide, fait usage de l’argument d’autorité et d’antiquité, et il mêle autant la justice humaine que la Providence et la loi de la réincarnation des âmes :
« Voici donc la doctrine dont l’exposé précis remonte aux prêtres de l’Antiquité. La Justice, nous est-il enseigné, vengeresse toujours en éveil du sang familial, a recours à la loi dont nous avons parlé tout à l’heure, et elle a, dit-on, établi la nécessité, pour qui a commis quelque forfait de ce genre, de subir à son tour le forfait même qu’il a commis : a-t-on fait périr son père ? un jour viendra où soi-même on devra se résigner à subir par violence un sort identique de la part de ses enfants ; est-ce sa mère que l’on a tuée ? il est fatal qu’on renaisse soi-même en participant à la forme féminine et que, cela fait, on quitte la vie en un temps ultérieur sous les coups de ceux que l’on a mis au monde ; c’est que, de la souillure qui a contaminé le sang commun aux uns et aux autres, il n’y a point d’autre purification… »
La loi du Talion entendait lutter contre une escalade de la violence individuelle en limitant celle-ci au niveau de la violence subie. La notion contemporaine de légitime défense procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l’attaque.
Dans l'Ancien Testament, Torah ou Bible, on identifie le Talion particulièrement dans le Livre de l'Exode. Il est écrit : "tu paieras vie pour vie, dent pour dent, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure". Un dogme clair que Jésus va adoucir, “ou accomplir par le pardon en tendant son autre joue pour une gifle supplémentaire” dans le Nouveau Testament.
« Fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent » :
C'est la première manifestation d'un droit qui cherche à canaliser et à réglementer la vengeance brutale et sauvage. Une avancée progressiste à l’époque dans la justice pénale.
Doyen de la faculté de droit et de sciences politiques d'Amiens, Raphaël DRAI a publié Le Mythe de la loi du Talion (Alinéa, 1991). Pour lui, quelle est l'origine de la loi du Talion ?
_R. DRAI : «La vengeance est inscrite dans notre inconscient depuis la nuit des temps. Elle peut être un réflexe à une agression : voyez votre réaction quand on vous bouscule dans la rue ! Elle peut être aussi un besoin de venger une blessure narcissique, par exemple de répliquer à l'insulte par l'insulte. Ce qui est dangereux dans la vengeance, c'est son aspect symétrique.»
« Caïn, dans la Genèse, après avoir tué Abel, est saisi par la peur : ce qu'il a fait, tout le monde désormais sera autorisé à le lui faire “ soixante-dix fois “, dit le verset biblique, ce qui, en hébreu, veut dire à l'infini. Le propre de la vengeance, c'est son caractère interminable.»
Le Talion peut aussi signifier: ” vengeance qui consiste à faire subir à l'offenseur un dommage identique à celui qu'il a causé. ”
Souvent symbolisée par "oeil pour oeil, dent pour dent" (Encyclopédie Hachette 2001)
Le châtiment, qui sanctionne sans prévenir, est la vengeance brutale et sauvage hors normes.
Pour Albert Camus, c’est une réponse quasi-arithmétique que fait la société à celui qui enfreint sa loi primordiale. Cette réponse bien que progressiste en son essence est aussi vieille que l'homme, elle s'appelle le Talion. Qui m'a fait mal doit avoir mal, qui m'a crevé un oeil doit devenir borgne; qui a tué doit mourir ! Il s'agit d'un sentiment, et particulièrement violent, non d'un principe. Le Talion est de l'ordre de la nature et de l'instinct, il n'est pas de l'ordre de la Loi. La Loi, par définition, ne peut obéir aux même règles que la nature. Si le meurtre est dans la nature de l'homme, la Loi n'est pas faite pour imiter ou reproduire cette nature. Elle est faite pour la corriger. Or le Talion se borne à ratifier et à donner force de loi à un pur mouvement de nature. Nous avons tous connu ce mouvement, souvent pour notre honte, et nous connaissons sa puissance : il nous vient des forêts primitives. (A. Camus)
La loi du Talion identifiée dans le Code d'Hammourabi (1730 av. JC), roi de Babylone, à défaut d’être retrouvée dans l’Égypte antique, due très probablement à la destruction et la disparition de la fabuleuse bibliothèque d’Alexandrie, est rencontrée dans la Grèce archaïque puis à l’antique Rome. Petit à petit le Talion disparaît au profit de condamnations pécuniaires. Mais à la suite des invasions germaniques (Ve siècle de notre ère), profitant de la justice publique, le Talion s'installe à nouveau. Un principe qui a donc (eu) longue vie.
Et malgré la cruauté de cette loi, elle constitue un progrès tacite pour la loi primitive de la vengeance individuelle, puisqu'elle restreint celle-ci à la réciprocité.
Bien qu’aujourd'hui, la loi du Talion est synonyme de barbarie pour les criminologues :
« Si la personne qui a crevé un oeil est borgne, va-t-on lui crever le seul oeil qui lui reste ?
Elle n'a fait qu'éborgner, et le tribunal la condamnerait à devenir aveugle !»
Le Judaïsme, le Christianisme et la loi du Talion -
La législation biblique détaille ainsi la loi du Talion :
* Genèse 9,6. Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé; car Dieu a fait l'homme à son image
* Exode 21, 23-24. Mais s'il y a un accident, tu donneras vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied,
* Lévitique 24, 18-19. Celui qui frappera un animal mortellement le remplacera : vie pour vie. Si quelqu'un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait
* Nombres 35, 19. Le vengeur du sang fera mourir le meurtrier; quand il le rencontrera, il le tuera
* Deutéronome 19-21. Tu ne jetteras aucun regard de pitié : oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied.
Pentateuque -Xe/VIe av. JC- commun à la Torah.
L'islam et la loi du Talion -
Le Coran insiste sur le respect de la vie d'autrui : "celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué, ou qui n'a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s'il avait tué tous les hommes et celui qui sauve un seul homme est considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes" verset 5,32.
Cependant, ce respect n'est pas absolu. En cas d'homicide volontaire, le Coran donne aux ayants droit la possibilité de se venger sur le coupable en application de la loi du Talion. "Ne tuez pas l'homme que Dieu vous a interdit de tuer sinon pour une juste raison. Lorsqu'un homme est tué injustement, nous donnons à son proche parent le pouvoir de se venger.", verset 17,33.
La Sunnah de Mahomet, qui aurait dit : "Celui qui change sa religion, tuez-le" requiert la mise à mort de l'offenseur. Ce délit est imprescriptible et ne peut faire l'objet de grâce de la part des autorités. Seul le repentir peut éviter à l'apostat d'encourir la peine de mort. C'est en vertu de ce principe que l'imam Khomeyni (religieux musulman et homme politique) a émis sa fameuse fatwa contre Salman Rushdie. (Écrivain Indien réfugié en Angleterre)
Au 18e-19e siècle :
Emmanuel Kant, philosophe allemand (1724-1804), parlera en faveur de la loi du Talion en énonçant que "la peine ne peut jamais être infligée uniquement comme moyen de restaurer le bien sous une autre forme, soit pour le criminel lui-même, soit pour la société civile, mais doit toujours être prononcé contre lui pour la seule raison qu'il a commis un crime"
Il rejoint ainsi, par l'autre bout, les explications les plus courante (il l'a bien mérité) ou les plus anciennes : l'égalité des peines n'est possible que par l'intérêt de mort prononcé par le juge d'après la stricte loi du Talion.
Dans les Etats qui pratiquent encore la peine de mort, l'un des arguments utilisés est la force de dissuasion de la peine capitale. Toutefois tous les criminologues sont d'accord sur ce point : il n'en est rien. On doit donc admettre que l'argument majeur reste bien la loi du Talion : celui qui a tué doit être tué, la Justice étant alors réellement porteuse du désir de vengeance de la famille ou de la population en général.
En réponse aux attentats du 11 septembre 2001, Georges Bush est entré dans la “répression” disent certains. On insiste sur le réveil de la loi du Talion et la difficulté de refuser l'entrée dans ce mode de pensée, si anciennement ancré dans les esprits.
"Tous derrière Bush dans la répression et la lutte contre le terrorisme. Tel est le mot d'ordre. La France et ses acolytes occidentaux s'associent derrière l'extrémiste de droite, Georges Bush. Lutter contre les forces du Mal, punir l'assassin, et ce de manière exemplaire. G. Bush a désormais les pleins pouvoirs avec tout le monde derrière lui, contre le Mal.
Lutter contre le mal, punir par l'exemple. Ce manichéisme exhumé du Moyen Âge, est aujourd'hui rabâché à la sauce démocratique au nom de la Liberté. Bush ne fait qu'appliquer à l'échelle planétaire la rhétorique très simpliste et absolument peu civilisée qui régit la loi du Talion : “Oeil pour oeil, dent pour dent.” Les pays occidentaux se liguent donc résolument derrière la politique américaine dans la lutte du Bien contre le Mal.
Pourtant, cette loi du Talion est régulièrement dénoncée par le parlement européen, notamment en ce qui concerne la peine de mort aux Etats-Unis, et bien sûr le conflit israélo-palestinien qui explose et se consume encore aujourd’hui par un effroyable génocide dénoncé par les Palestiniens et d’autres peuples… puisque rendu au 30 avril 2024 à près de 34 550 Gazaouis sacrifiés sous les obus, 75 577 blessés dont plus de 10 000 enfants, 4 000 capturés, au moins 8 000 disparus et 1,9 millions de déplacés internes en Palestine par l’armée Juive en réaction continue contre le Hamas pour les ≈ 250-300 juifs capturés et les ≈ 1300-1500 juifs abattus lâchement au début de l’événement conflictuel initié par les Palestiniens le 07 octobre 2023.
Nicole Fontaine du Parlement européen, déclarait le 19 mai 2001, après sa visite au Proche-Orient : « Dans un contexte aussi dramatique, nous nous devons de rappeler aux uns et aux autres que la pratique de la loi du Talion ne peut mener qu'à la catastrophe. Toutefois, j'espère encore qu'Ariel Sharon et Yasser Arafat s'efforceront de réduire cette spirale infernale de la violence et de la haine qui risque d'embraser la région. » Le discours pourrait, après le 11 septembre 2001, s'appliquer à l'échelle planétaire, en portant les espérances sur l'attitude respective de Bush et de ceux qui lui ont « déclaré la guerre ».
Du jour au lendemain, '' des deux grandes jolies tours'' au ''plus rien du tout'', les valeurs défendues faiblement au nom de la Liberté et de la Démocratie sont complètement enterrées, pour soutenir un comportement inverse; au nom de la Liberté et de la Démocratie : « Cette agression contre l'humanité a frappé au coeur d'une nation amie avec qui l'Union européenne partage le combat pour un monde meilleur. Mais cette effroyable attaque terroriste est aussi dirigée contre nous tous, contre nos sociétés ouvertes, démocratiques, multiculturelles et tolérantes » . Et d’autres d'ajouter : « Au cours des années les plus sombres de l'Histoire, les Etats-Unis ont été proches de nous. Aujourd'hui, c'est à nous d'être proches des Etats-Unis ». “ Les Etats-Unis, qu'on dénonçait dernièrement comme un pays ne respectant pas les valeurs démocratiques en son propre sein devient aujourd'hui « une nation amie avec qui l'Union européenne partage le combat pour un monde meilleur ». Lutter contre le terrorisme est devenu le mot d'ordre. Lutter contre les forces du Mal, punir l'assassin et ce de manière exemplaire.
L'axe du Bien et du Mal, le vieux manichéisme, est aujourd'hui remis à la sauce démocratique au nom de la liberté.
Une fois de plus l'Europe a de grandes difficultés à se positionner, à réaffirmer qu'elle est le berceau des droits de l'Homme et qu'elle a, depuis longtemps, extirpé la loi du Talion de son appareil législatif.
Juridiquement parlant,
aujourd'hui, le principe nous paraît barbare et bien éloigné de l'idée de justice, puisqu'il s'agit avant tout de vengeance, dans la stricte réciprocité soit, mais de vengeance bien réelle.
Nous vivons dans une société qui défend un certain nombre de principes : les sociétés démocratiques considèrent en effet qu'il est impossible de se faire justice soi-même, qu'une personne impliquée dans un problème peut difficilement être objective vis-à-vis de la situation qu'elle vit. On dit ainsi que nul ne peut-être à la fois "juge et parti".
Les sociétés démocratiques veulent aussi relever un défi et dépasser le rôle de punition et d'autoprotection d'un jugement (que la sanction soit l'amende, la détention, voire la peine de mort dans certains Etats). Comment punir les condamnés et comment les réintégrer à la société ? Les peines alternatives, les programmes de réinsertion sont des réponses partielles, pas toujours des solutions.
Dans la société hébraïque, les livres de l'Exode et du Lévitique citent toutefois nombre de délits, tels l'idolâtrie ou l'adultère, passibles de la peine de mort. Et le christianisme accepte le principe de la punition légale comme "anticipation du juste jugement de Dieu".
Notons ici que le christianisme a une position ambiguë. il a :
- soit accepté la punition légale, comme anticipation du juste jugement de Dieu ("Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal" Ep. aux Romains, XIII, 4) ;
- soit constaté que la violence appelle la violence (" tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée " Mathieu, XXVI, 52), et ce malgré la clarté du premier des dix commandements : " Tu ne tueras point "
Le christianisme a donc hérité de la tradition juive la légitimité de la peine de mort et a trouvé celle-ci mise en pratique quotidiennement dans l'Empire romain, son premier terrain d'expansion. Le souverain, perçu comme le représentant de Dieu sur terre dans le domaine temporel, jouit du pouvoir divin sur l'homme, celui de supprimer la vie.
Le prêtre Arnaud Alibert
-Dans la loi du Talion. À défaut de mieux- écrivit :
« Face au débordement de violences en Terre sainte et ailleurs dans le monde, ouvrir la Bible aide à faire mémoire des lois religieuses qui limitent la fureur. Si celle de l’amour et du pardon semble impossible en temps de guerre, la loi du Talion réveille nos consciences.»
« En 1991, la guerre éclate entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’Arménie prend militairement le dessus et ce sont des milliers d’Azéris qui doivent quitter le Haut-Karabach et ses environs. Des morts d’abord, puis l’exil. Plus de trente ans après, la même histoire se joue mais à l’envers et les Arméniens sont chassés de leurs montagnes. Morts puis exils dans l’autre sens. Chacun son tour. Œil pour œil, dent pour dent, en somme. Pouvons-nous nous satisfaire de cette conclusion ?»
« Littéralement écorchée vive par l’attaque terroriste d’une cruauté sans nom, la société israélienne voit son armée bombarder Gaza et multiplier les morts. Œil pour œil, dent pour dent ? Fait douloureux à dire mais incontestable : la riposte est plus meurtrière que l’attaque. Une fois de plus, on constate le coefficient positif entre le nombre de morts israéliennes et palestiniennes. Chaque partie a son explication. Pouvons-nous ouvrir la Bible pour entendre la Parole de Dieu sur ce point ? Oserons-nous une supplique ?»
« À Bethléem, nous prions pour le miracle de la paix »
« Ô Israël ! ô tribus de Juda, de Manassé et d’ailleurs, que vous inspire aujourd’hui la loi sacrée du Talion ? Toi, mon peuple aîné dans la foi, selon la magnifique formule du pape Jean-Paul II, toi dont l’histoire sainte est une part de la foi de l’Église, montre nous l’exemple en ces heures tragiques.»
« Perplexe et triste, je regarde vers toi, Israël, avec une affection dont tu n’as pas idée. Explique-moi comment lire avec toi le Lévitique au chapitre 24, verset 20 : « fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; il lui sera fait la même blessure qu’il a faite à son prochain ?»
« L’enseignement de Jésus appelait à dépasser cette règle qui avait au moins pour vertu de juguler la vengeance. Face à la violence, il voulait un débordement d’amour et de fraternité. Non pas la vengeance égalitaire, mais le pardon. Peut-être cela est-il hors de portée quand la douleur est là. Mais, en Terre promise aujourd’hui, ne faut-il pas esquisser un sursaut d’humanité ? En désespoir de cause, s’en tenir à la loi du Talion et ne pas régresser en-deçà du temps des patriarches.» 27-10-23 (A. Alibert.)
Quoi qu’il en soit, le Talion entend toujours lutter contre une escalade de la violence individuelle en limitant celle-ci au niveau de la violence subie. La notion contemporaine de légitime défense procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l’attaque.
Cohortes d’hommes et de femmes ont survécu à travers des cataclysmes majeurs, naturels ou provoqués, ainsi que dans les catastrophes humaines dévastatrices telles les pan-épidémie ou les guerres quasi-génocidaires…
Et, dans ces guerres exterminatrices et excessives… de l’Antiquité à nos jours, l’on se surprend à limiter ses options, et ses voies optimales pour se référer aux règles ancestrales du Talion comme ébauche de résolution acceptable à défaut de mieux ?
Toutes les guerres qui ont éclaté face à une tuerie d’un nombre X de partisans d’un camp donné, devraient au moins pouvoir être limitées de manière raisonnable (moins sauvage) dans l’application rigoureuse du Talion, qui consiste à lutter efficacement contre une escalade de la violence subie. Une personne coupable doit recevoir une punition à la hauteur de ce qu’elle a infligé. Réaffirmant réciprocité entre la peine et le crime.
Une vengeance disproportionnée à l'acte subi risquerait d'aggraver la situation en la faisant dégénérer en conflit encore plus violent ou étendu. Ainsi, certaines interprétations pourraient présenter le Talion juridiquement comme la riposte adéquate.
La loi du Talion, humainement si ancienne mais toujours active dans les mœurs actuelles à travers le monde, ne serait-elle pas en définitive, surtout pour les “croyants”, une loi d’inspiration divine planant au-dessus des actions, de la force et de la volonté humaines ?
Dans la Torah des Juifs,
la formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le Pentateuque :
Exode 21,23-25
Lévitique, 24,17-22
Deutéronome, 19,21
à quoi s’ajoute
Genèse IX:6
Dans le Talmud
Cette règle indique la nécessité d’une équivalence compensatrice dans le châtiment bien que les versets précités précités ne sauraient être pris à la lettre.
Le judaïsme rabbinique ne retient ainsi de la loi du Talion que l’idée de juste compensation financière, sauf pour les crimes capitaux en vertu du principe que la vie humaine n’a pas de prix et ne peut donc pas être compensée financièrement.
Dans le christianisme,
Jésus dans le Nouveau Testament déclare, selon Matthieu 5,38-42…
ce verset a suscité deux grandes écoles d'interprétation. La première école est celle des pacifistes radicaux (par exemple, Érasme), qui interprètent la parole de Jésus comme une opposition à la loi du Talion. La deuxième école est celle des contextualistes (par exemple saint Augustin d’Hippone et saint Thomas d'Aquin) qui prennent en compte le contexte du discours et affirment que Jésus n'est pas venu abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir (Mt 5, 17), et que sa parole n'est pas à comprendre en opposition à la loi du Talion, mais en approfondissement par rapport à celle-ci. Selon cette deuxième école, tendre l'autre joue ne signifie pas ne pas réagir, mais se mettre, au moment de réagir, dans une disposition de cœur qui consiste à ne pas agir pour son propre intérêt.
Dans l'Islam,
le Coran s’exprime ainsi :
Sourate II, verset 178
Sourate II, verset 179
Sourate V, verset 44-45
Sourate V, verset 45
Le droit musulman — le fiqh — établit quatre conditions pour que la peine de mort pour le meurtrier soit applicable :
“Que la peine de mort soit réclamée par les familles des victimes, soit on demande la loi du Talion, soit on pardonne, soit on prend le dédommagement financier.
Qu'il y ait des preuves irréfutables de la culpabilité.”
« Les peines et le Talion sont caducs dès qu'un doute est présent ».
“Qu'il soit prouvé qu'il y avait intention de tuer.
Qu'il n'y ait pas présence de circonstances atténuantes.
Ainsi en est-il du cas de légitime défense.”
De nos jours,
le droit moderne occidental n’applique plus la loi du Talion en matière criminelle, ainsi l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ne permet le recours à la force, que lorsqu'elle est absolument nécessaire. Elle est (Loi du Talion) considérée comme relevant plus de la vengeance privée que de la justice. Mais en Iran, la loi du Talion est toujours appliquée dans la justice pénale.
En principe, les peines prononcées aujourd’hui servent à punir le coupable, mais elles sont doublées d’une volonté de préparer le condamné à sa réinsertion dans la société après une période de réadaptation. Parallèlement, en matière civile, le concept de dommages-intérêts constitue la réparation financière, à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un préjudice moral et/ou une atteinte dans son patrimoine (préjudice matériel).
Le Talion et la peine de mort modifiée :
“ Cette loi est utilisée comme argument par des partisans de la peine de mort, partageant l’idée de Joseph de Maistre, qui considère qu’une personne qui a tué, mérite la mort, seule peine équitable. “ Le point de vue opposé a été largement défendu par Beccaria et Victor Hugo : « Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant ! »
Dans l'arrêt Vinter et autres contre le Royaume-Uni du 9 juillet 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que les peines de perpétuité réelle obligatoires, instituées pour certains crimes par le Royaume-Uni, relevaient de la loi du Talion et étaient incompatibles avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de droit pénal international proscrivant les peines disproportionnées.
Le Talion et la légitime défense :
“ Le concept contemporain de légitime défense, qui doit être proportionnée à l’attaque, peut sembler être un héritage de la Loi du Talion dans son acception limitative. La légitime défense consiste à se protéger soi-même, protéger autrui, ou un bien de l’attaque d’un tiers. Toutefois, dans le cadre de la légitime défense, il n’est pas question d’une réponse a posteriori consistant en une vengeance permise et encadrée par la Loi (comme dans le cadre du Talion), mais d’un acte préventif visant à protéger la personne, autrui, ou un bien devant une atteinte injustifiée ou illégale.”
Dans le conflit Israélo-Palestinien(Hamas), suite à l’horrible et sauvage agression du Hamas en Israël le 07 octobre 2023, c’est un cas de légitime défense : cette guerre sanglante, destructive et interminable des Juifs,-résolution vivement soutenue par le concert des nations développées- tandis que pour les Palestiniens, et d’autres peuples, on parle plutôt de génocide effarant, exterminateur et annihilant.
